LIVE NIRVANA INTERVIEW ARCHIVE November ??, 1991 - Paris, FR

Interviewer(s)
Romain Decoret
Interviewee(s)
Kurt Cobain
Publisher Title Transcript
Guitarist #35 Nirvana Yes (Français)

LE GROUPE DE SEATTLE CARTONNE LES HIT PARADES AVEC L'ALBUM "NEVERMIND". AUCUN AUTRE BAND À TENDANCE HARDCORE N'AVAIT À L'EXCEPTION DES PIONNIERS DE 77, TROUVÉ LE CHEMIN DU SUCCES. INTERVIEW DE KURT COBAIN, GUITARISTE DU GROUPE. Romain Decoret

Hello Kurt. Comment est né le groupe ?

Nous avons formé Nirvana en 1987 à Aberdeen, dans l'état de Washington, c'était vraiment Fun d'essayer de créer notre son personnel. Nous avons répété pendant 7 ou 8 mois, puis nous sommes allés enregistrer une maquette à Seattle. En 88, nous avons enregistré notre premier album "Bleach" sur le label Sub-Pop de Seattle ("Bleach" vient d'être réédité NDR par les soins du Label Musidisc)

L'hiver suivant, nous avons enregistré un E.P., toujours sur Sub-Pop. Il nous a fallu ensuite deux ans pour sortir du contrat, trouver une agence de management, signer chez Geffen, et nous voilà…

Quelles sont les influences du groupe. Vous semez souvent comme les Ramones/REM…

J'ai entendu mieux, on nous a comparé au Knack vampirisé par les Sex Pistols! Depuis l'âge de quinze ans nous écoutons du punk-rock, les Pistols, Clash, Ramones, Black Flag, Circle Jerks. Sans distinction d'origines, nous écoutions ce qui venait des deux côtés de l'Atlantique, du moment qu'il y avait Le punk-beat et les screaming guitars… Puis nous avons commencé à écouter d'autres styles de musique comme les Beatles, REM, les groupes pop, le son 12 cordes. Et depuis, nous nous considérons comme des amoureux de musique, toutes les bonnes musiques retiennent notre attention.

Y-a-t-il un rythme que vous aimez spécialement ?

Nous ne nous tracassons pas avec des tempo trop techniques ni même avec le simple off-beat. Ce serait une perte de temps avec nous. Nous préférons rester quelque part à l'intérieur du 4/4 rock, un tempo absolument standard.

La couverture de "Nevermind", avec le bébé, est très réussie.. C’est vous qui l'avez conçue ?

Nous en avons eu l'idée, Dave (Grohl, batteur de Nirvana) et moi étions en train de regarder la TV, et il y avait un documentaire sur les bébés qui naissent sous l'eau. Nous avons pensé que c'était une bonne idée de départ. Nous avons trouvé une photo de bébé et nous avons ajouté le dollar flottant et le sexe du bébé. Mais j'espère que la musique est meilleure que la couverture de l'album !

L'album se vend très bien, qu'en penses-tu ?

Au début, il s'est vendu sans trop de promo aux USA, d'une manière très naturelle. Je dis que, quoi qu'en pense le monde, le punk-rock a lassé des traces profondes et le moment est venu pour une autre vague d'énergie rock. Si nous pouvions en être les initiateurs, alors super, nous sommes prêts…

Justement, ne faut-il pas s'attendre à une pléthore de sous-Nirvana jouant avec sincérité ?

C'est le revers de n'importe quel mouvement rock, mais ci cela permet à un certain nombre de kids de commencer à monter sur scène et plus tard, de réfléchir un peu à ce qu'ils font, ce n'est pas en vain.

Et toi, sur scène tu sais ce que tu fais ? Tu communiques beaucoup avec le public ?

C'est très empirique. Dernièrement nous jouons sur de plus grandes scènes et, avec les spots braqués sur moi, je ne vois rien, je ne sais pas si les gens hurlent de colère ou de plaisir, à la limite. Dans certains cas, ça pourrait être dangereux…

Parlons de ton jeu de guitare. Ii y a des arpèges dans l’intro de "Come As You Are"- et "Smells Like Teen Spirit". Il t'arrive de jouer avec Les doigts de la main droite ?

Non, Je loue ces arpèges au médiator. C'est le feeling qui. compte. Si ça ne pase pas, j'utilise une pédale Electro Harmonix pour les booster. Mais je joue qu'au médiator, avec une attaque assez violente.

Il y a un son très travaillé sur "Breed" et "Come As You Are". Comment l'obtiens-tu ?

Avec ma pedale Electro Harmonix. Mais le producteur de l'album, Butch Vig (Smashing Pumpkins et Slayer, ndr) a aussi utilisé les effets de la console dans laquelle je me suis parfois branché directement.

Quelles sont tes guitares préférées ?

J'aime Ies Fender. La Strato, tout spécialement et la Mustang aussi. Ce sont pour moi, les meilleures guitares jamais construites. J'aime aussi les Hagstrom suédoises, les Univox japonaises… et les Mosrite. J'avais une Mosrite Gospel. semblable au modèle Ventures, mais avec un manche plus court. Il n'y en a eu que quelques centaines de fabriquées, parce qu'elles étaient réservées aux groupes de gospel. J'en avais une, achetée à San Francisco.. Je l'ai gardée à peu près un an, mais elle m'a été volée. Mais les guitares que j'utilise sur scène sont différentes. Je change très souvent, et comme je suis gaucher, ce sont souvent des copies japonaises que je finis par utiliser. J'aime cela. Les copies de Fender Strat ou Tele ont des manches fins qui me conviennent tout à fait. Et puis, je peux marcher dessus, sans avoir à m'Inquiéter. Ou les détruire sur scène.

II parait que cela arrive souvent ?

Si le moment s'y prête. Si les réactions du public me motivent, nous motivent, nous terminons notre set en détruisant le matos. C'est comme un sacrifice, une cérémonie, un don. Je n'ai jamais considéré le matos comme un truc sacré, de toute façon.

Quel ampli utilises-tu ?

Un préampli Mesa-Boogie et un ampli de puissance Carver avec une baffle monté en h.p. Celestion. La, par contre, je change rarement de système d'amplification. C'est le meilleur son que je puisse trouver pour le feedback.

C'est ce que tu as utilisé en studio pour "Territorial Pissings" ? L'intro est assez incroyable…

Non, l'intro dont tu parles a été jouée directement dans la console. J'aime le feedback à la console, je me colle dans la cabine de prise de son et j'utilise le tout comme un ampli géant.

Quel calibre de cordes montes-tu?

Des Dean Markley. Le calibre dépend du moment. Généralement c'est 49/09 ou 52/10, j'aime avoir des cordes graves conséquentes et des algues light. Mon médiator est un médium. assez dur, mais il peut se plier. Comme cela je casse moins de cordes sur les powerchords.

Tu joues de la guitare acoustique sur "Polly" et "Something In The Way" ?

Oui. C'est une Stella, que j'ai achetée pour 30 dollars dans le magasin d'un prêteur sur gage. Elle a complètement perdu toute intonation et je n'ai pas changé les cordes depuis que je l'ai achetée. Mais c'est exactement le son acoustique qui me convient.

Comment es-tu devenu guitariste ?

J'ai toujours voulu être musicien. A l'âge de cinq ans, j'ai découvert les Beatles et je passais des heures à rêver que j'étais à leur place. Je me voyais batteur. Plus tard à l'école, je me suis aperçu que la batterie était trop difficile pour moi, alors je me suis mis à la guitare.

Tu jouais les chansons des Beatles ?

Oui, et des Bay City Rollers aussi. Et plus tard les Stooges d'Iggy Pop et les Cars de Rick Ocasek. Mais je me suis mis très tôt à écrire mes propres chansons. Parce que c'est plus naturel, et personne ne peut venir te prendre ce que tu as créé toi-même. Ensuite quand nous avons formé Nirvana, c'est devenu la philosophie centrale du groupe, nos chansons uniquement, pas de reprises, ou alors pour s'amuser un instant…

Le guitariste de Queensryche dit que les groupes de Seattle ont des répertoires très fournis parce qu'Il n'y a rien d'autre à faire la-bas.

Non, ce n'est pas la raison. Seattle est une ville industrielle, les gens ont tendance à avoir une attitude "no bullshit". Il faut se concentrer sur l'essentiel, être un musicien, faire ressortir ton originalité dans ce domaine. Ce serait très mal venu de se présenter sur scène avec des paillettes ou des costards en soie.

Que pensez-vous du public européen ?

Le public est le même partout que ce soit aux USA ou en Europe. Sur scène, ça se passe très bien, les gens comprennent notre musique, nos références, et ils veulent que ça bouge. Que demander de plus ?

Des projets ?

Nous avons déjà écrit quelques chansons en vue du prochain album. Notre Idée est d'en avoir une bonne trentaine pour choisir. Mais on ne sait jamais, avec la pression du "second album", il se pourrait que les morceaux ne nous viennent qu'au dernier moment…

© Romain Decoret, 1992